Le premier projet de loi de finances pour 2020 (le « PLF 2020 ») a été présenté en Conseil des ministres le 27 septembre 2019 et a été renvoyé devant la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale.
Avant d’évoquer les réformes prévues par le PLF 2020, rappelons à titre introductif que la loi de n°2019-759 du 24 juillet 2019 a modifié la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (« IS »). En effet, un nouveau régime est prévu pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est au moins égal à 250 millions d’euros, applicable dès l’exercice 2019. Celles-ci sont soumises au taux de 28 % pour la tranche des bénéfices imposables comprise entre 0 et 500 000 euros, et 33 1/3 % au-delà. Le PLF 2020 dans la même logique prévoit pour ces mêmes sociétés pour l’exercice 2020 un taux de 28% jusqu’à 500 000 € de bénéfices, et 31% au-delà. Quant à l’exercice 2021, le taux est de 27,5% pour l’ensemble du bénéfice imposable.
Toutefois, pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros, la trajectoire reste inchangée, à savoir :
Le PLF 2020 étant dense, seules les mesures les plus significatives seront présentées ci-dessous. Précisons également que les réformes qui sont présentées ci-dessous pourraient faire l’objet de modifications au cours des différentes étapes de discussion du PLF 2020 à l’Assemblée Nationale.
Diminution de la première tranche imposable du barème progressif de l’IR. Le PLF 2020 prévoit d’abaisser à 11 % le taux de la première tranche imposable du barème progressif de l’IR. Pour rappel, celle-ci s’élevait précédemment à 14%. Toutefois, le gain résultant de cette baisse du taux sera plafonné à un montant de l’ordre de 125 € par part pour les foyers relevant de la tranche au taux de 30% (de 25 659 € à 73 369 €) du barème progressif et sera neutralisé pour les foyers relevant des tranches aux taux de 41% (73 369 à 157 806 €) et 45% (au-delà de
157 806 €) du barème progressif. Ainsi, cette baisse du taux de la première tranche aura principalement un impact sur les classes moyennes.
Cette baisse s’appliquera à compter du 1er janvier 2020 et devrait être prise en compte dès cette date dans le calcul du taux du prélèvement à la source.
Mise en place d’une procédure de déclaration tacite des revenus pour certains contribuables. Dans le contexte de la réforme du prélèvement à la source, le PLF 2020 souhaite rendre possible pour certains contribuables une déclaration tacite de leurs revenus et leur permettre ainsi de ne pas avoir à déposer de déclaration de leurs revenus. Les contribuables concernés par cette mesure seraient ceux dont les revenus sont intégralement déclarés par des tiers (employeurs, centres de pension…). Ces contribuables auraient simplement chaque année à confirmer l’exactitude des informations dont disposent l’administration fiscale que celle-ci porterait à leur connaissance via l’envoi d’un document spécifique. Ainsi les contribuables qui n’auraient pas apporté de modifications aux informations contenues dans le document seraient réputés avoir souscrit leur déclaration. Le PLF 2020 n’indique pas la date d’entrée en vigueur de cette mesure, mais tout laisse à supposer que celle-ci s’appliquerait dès la déclaration des revenus 2019 déposée en 2020.
Suppression du régime d’étalement des indemnités de départ à la retraite. L’article 7 du PLF 2020 prévoit la suppression des régimes d’étalement prévus pour l’imposition de certains revenus, tels que les indemnités de départ volontaire à la retraite, de mise à la retraite ou encore des droits inscrits à un compte épargne temps. Ce régime était avantageux car il permettait de lisser l’imposition de ces revenus sur quatre années.
Réforme du crédit d’impôt sur le revenu afférent aux dépenses en faveur de la transition énergétique (« CITE »). Pour rappel, le CITE arrive à échéance le 31 décembre 2019. Le PLF 2020 propose d’une part de le proroger d’une année pour les contribuables aux revenus intermédiaires propriétaires de leur logement qu’ils utilisent comme résidence principale, et d’autre part de transformer le CITE en une prime forfaitaire pour les contribuables les plus modestes, laquelle serait versée directement par l’Agence nationale de l’habitat. À noter que le PLF 2020 prévoit qu’un décret devra préciser la définition des caractéristiques et des modalités de distribution de cette prime.
Modification de l’article 4b du code général des impôts relatif aux critères de domiciliation fiscale. Pour rappel l’article 4b du Code général des impôts précise que sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France :
Le PLF 2020 prévoit d’ajouter en plus des personnes citées ci-dessus, les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d’affaire annuel supérieur à un milliard d’euros. À noter que pour les sociétés contrôlant d’autres sociétés, le chiffre d’affaires pris en compte est la somme de leurs chiffres d’affaires et de celui des sociétés qu’elles contrôlent. Quant aux dirigeants, ils sont définis exhaustivement comme étant le président du conseil d’administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président du conseil de surveillance, le président et les membres du directoire, les gérants et les autres dirigeants ayant des fonctions analogues. Cette modification de l’article 4b impactera seulement les dirigeants des très grandes entreprises.
Possibilité pour l’administration fiscale de collecter et exploiter les données publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et autres plateformes en ligne. Actuellement, seules les informations déclarées à l’administration fiscales telles que les déclarations d’impôts ou bien les informations données par d’autres administrations fiscales via notamment l’échange automatique d’informations peuvent aboutir à un traitement informatique. Le PLF 2020 prévoit à titre expérimental et ce pour une durée de 3 ans, de permettre à l’administration fiscale de collecter et exploiter les données rendues publiques sur les sites internet des réseaux sociaux (tels que Facebook, Twitter, Instagram…) et autres plateformes en ligne (telles qu’Ebay, le Bon Coin…). Ainsi, l’administration fiscale pourra plus facilement détecter certains comportements frauduleux, comme le commerce de marchandises prohibées ou l’inadéquation entre les éléments déclarés par un contribuable et son train de vie apparent. Les conditions de mise en œuvre et d’application de cette mesure devraient être précisées dans un décret. À noter que la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a déjà émis quelques réserves en rappelant qu’un juste équilibre doit être trouvé entre l’objectif de lutter contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée.
Suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale. Le PLF 2020 prévoit la suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale (« THRP ») entre 2020 et 2023. En 2023, aucun foyer ne sera soumis à cette taxe pour leur résidence principale. Toutefois, celle-ci continue et continuera à s’appliquer sur les résidences secondaires.
En plus de la réforme de la trajectoire de la baisse de l’IS rappelé à titre introductif, le PLF 2020 prévoit d’autres mesures intéressant l’IS.
Modification du régime du mécénat d’entreprise. Le régime du mécénat d’entreprise prévoit actuellement une réduction d’impôt égale à 60% du montant des versements pris dans la limite de 10 000 € ou de 5% du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé. Ces dons doivent être effectués au profit d’un certain nombre d’organismes tels que les organismes d’intérêt général, les fondations ou associations reconnues d’utilité publique ou encore des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt général à but non lucratif. Le PLF 2020 prévoit d’abaisser à 40% le taux de réduction d’impôt pour les versements supérieurs à 2 millions d’euros. Toutefois, le taux de réduction demeurerait à 60% quel que soit le montant du don pour les organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement, ou qui procèdent à titre principal à la fourniture gratuite de certains soins à des personnes en difficultés.
Modification du régime du crédit d’impôt recherche (« CIR »). Dans le cadre de la détermination des dépenses de fonctionnement, le PLF 2020 prévoit d’abaisser de 50 à 43% le taux forfaitaire de prise en compte des dépenses de personnel. Il est également prévu d’exclure du dispositif du CIR à compter du 1er janvier 2023 les dépenses d’innovation exposées par les PME au titre de la réalisation d’opérations de conception de prototypes de nouveaux produits, ainsi que les dépenses d’élaboration de nouvelles collections par les entreprises industrielles du secteur du textile et de l’habillement.
Mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements à la source applicables aux sociétés non résidentes. Le PLF 2020, à travers son article 12, tire les conséquences de l’arrêt Sofina SA de la Cour de justice de l’Union Européenne (« CJUE ») du 22 novembre 2018 (C-575/17). La CJUE a en effet jugé que la législation française relative aux retenues à la source sur les dividendes versés à des sociétés non résidentes était constitutive d’une restriction à la libre circulation des capitaux. Il résultait de ce régime un avantage en trésorerie pour les sociétés résidentes car les distributions de dividendes de celles-ci n’étaient pas imposées à l’IS lorsqu’elles étaient déficitaires tandis que les sociétés non résidentes subissaient une imposition immédiate et définitive qu’elles soient bénéficiaires ou déficitaires.
Afin de rendre la législation française conforme au droit européen, le PLF 2020 prévoit d’une part la possibilité pour les sociétés non résidentes déficitaires d’obtenir la restitution de la retenue à la source, et d’autre part d’étendre le dispositif d’exonération de retenue à la source pour les sociétés étrangères en liquidation.
Transposition des directives de l’Union Européenne « Atad 1 » et « Atad 2 » relatives à la lutte contre les dispositifs hybrides. Le PLF 2020 propose de transposer dans le droit interne les mesures de lutte contre les dispositifs hybrides prévues par les directives de l’UE Atad 1 (2016/1164) et Atad 2 (2017/952). Ces dispositifs hybrides sont la conséquence d’une part de divergences quant à la qualification des instruments financiers et des entités et d’autre part de règles différentes en matière d’attribution des paiements. Ces divergences conduisent à une déduction dans un État sans imposition corrélative dans l’autre État, ou à une absence d’imposition dans chacun des États, ou encore à une déduction dans chacun des États. Dans un contexte de lutte contre l’optimisation fiscale, la mesure proposée par l’État pourrait permettre en fonction de la nature du dispositif hybride, soit de refuser la déduction de la charge, soit d’inclure le paiement dans le bénéfice imposable.
Éligibilité au régime d’étalement des plus-values des transferts d’actif isolé dans l’UE ou l’EEE. Le régime d’étalement des plus-values en cas de transfert d’actifs de la France vers un État membre de l’UE ou de l’EEE est actuellement réservé aux transferts de siège ou d’établissement. Afin de le rendre conforme au droit européen, le PLF 2020 prévoit d’étendre ce régime aux transferts d’actif isolé.
Transposition de la directive de l’Union Européenne n°2018/1910 relative à l’harmonisation et à la simplification du système de TVA. Le PLF 2020 prévoit de transposer la directive UE/2018/1910 du 4 décembre 2018 visant à :
Rappelons qu’actuellement celles-ci sont exonérées si elles sont effectuées à titre onéreux à destination d’un autre État membre de l’UE, par un vendeur agissant en tant que tel, et par un acquéreur qui ne bénéficie pas déjà du régime dérogatoire à la taxation des acquisitions intracommunautaires.
Désormais, l’acquéreur devra être identifié à la TVA dans un État membre autre que celui de départ des biens et avoir communiqué son numéro d’identification au fournisseur. Par ailleurs, le fournisseur devra également avoir déposé un état récapitulatif (DEB).
Transposition de la directive de l’Union Européenne n°2017/2455 relative aux règles de TVA dans le cadre du commerce électronique. Le PLF 2020 transpose une autre directive intéressant le régime de la TVA (n°2017/2455), et plus particulièrement le commerce électronique. Retenons comme changements principaux, la création de la notion d’opération de vente à distance de biens importés, la création de nouvelles règles en matière de vente à distance de biens intracommunautaires, ou encore la création d’un guichet électronique pour les ventes à distance de biens importés.
Obligation de télédéclaration et télépaiement de la TSCA. Le PLF 2020 prévoit d’étendre l’obligation de télédéclaration et de télépaiement à la TSCA. L’article précise qu’un décret fixera la date d’applicabilité de cette mesure, et ajoute qu’elle s’appliquera au plus tard aux impositions dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022.
Le premier projet de loi de finances pour 2019 (le « PLF 2019 ») a été présenté en Conseil des ministres le 24 septembre 2018 et a été renvoyé devant la Commission…