Le premier projet de loi de finances pour 2019 (le « PLF 2019 ») a été présenté en Conseil des ministres le 24 septembre 2018 et a été renvoyé devant la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale.
Précisons tout d’abord que les réformes qui sont présentées ci-dessous pourraient faire l’objet de modifications au cours des différentes étapes de discussion du PLF 2019 à l’Assemblée Nationale.
Par ailleurs, avant d’évoquer les réformes prévues par le PLF 2019, rappelons à titre introductif que la loi de finances de 2018 avait prévu une diminution du taux d’impôt sur les sociétés, étalée sur plusieurs années :
Réforme des dispositifs de limitation des charges financières. Afin de se conformer à la directive européenne du 12 juillet 2016 relative à la lutte contre l’évasion fiscale, le PLF 2019 prévoit de modifier les règles de plafonnement applicables à la déductibilité des charges financières. Selon le régime actuel, la partie des charges financières nettes qui dépasse 3 millions d’euros n’est déductible qu’à hauteur de 75%.
Selon le nouveau régime mis en place par le PLF 2019, les charges financières nettes sont déductibles intégralement jusqu’au plus élevé des deux montants suivants : 30% du résultat avant impôts, provisions et amortissements (EBITDA) ou 3 millions d’euros. Cette réforme ne pouvant se résumer simplement en ces quelques lignes, il conviendra de se reporter au texte de loi pour avoir plus de précisions. Par ailleurs, ce nouveau régime semble être très proche du régime allemand actuellement applicable en la matière.
Modification du régime de l’intégration fiscale. Afin de rendre le régime d’intégration fiscale français conforme avec le droit de l’Union Européenne (« UE »), le PLF 2019 prévoit :
– la fin de la neutralisation (i) de la quote-part de frais et charges imposable à raison des plus-values de cessions de titres de participation réalisées au sein du groupe et (ii) des subventions et abandons de créances consentis entre sociétés membres du même groupe. Cela devrait notamment avoir des incidences sur l’imputation des déficits et moins-values à long terme subis par une société du groupe au titre des exercices antérieurs à son entrée dans le groupe. Cela devrait également avoir des incidences en cas de sortie du groupe de la société ayant consenti l’aide ou de celle qui l’a reçue ;
– la réduction de la quote-part de frais et charges imposable à raison des plus-values de cessions de titres de participation réalisées au sein du groupe. En effet, si les plus-values réalisées par les entreprises soumises à l’IS, à l’occasion de la cession de titres de participation, lorsqu’ils sont détenus pendant au moins deux ans, sont exonérées d’IS, lesdites entreprises doivent néanmoins s’acquitter d’une quote-part de frais et charges. Le taux de cette quote-part était de 12%, le PLF 2019 prévoit de la réduire à 5%.
Il convient de préciser que cette mesure concerne toutes les entreprises, y compris celles qui ne font pas partie d’un groupe intégré, et
– l’étendue de certains avantages du régime de groupe relatifs aux dividendes à (i) certaines situations où une société membre d’un groupe perçoit des distributions de filiales établies dans un autre État membre de l’UE, qui, si elles étaient établies en France, rempliraient les conditions pour être membres de ce groupe et (ii) à d’autres situations où une société non membre d’un groupe perçoit des distributions de filiales établies dans un autre État membre de l’UE qui, si elles étaient établies en France, rempliraient les conditions pour former un groupe avec la première société.
Mise en place d’une révocabilité possible en cas de passage à l’IS. Pour rappel, les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l’article 206 du Code général des impôts (les sociétés en nom collectif, les sociétés civiles, les sociétés en commandite simple, les sociétés en participation, les sociétés à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique etc.) relèvent par principe du régime des sociétés de personne (impôt sur le revenu « IR »). Toutefois, le 1 de l’article 239 du Code général des impôts autorise ces sociétés, sauf celles visées par une exclusion expresse, à opter pour le régime des sociétés de capitaux (IS). Cette option était irrévocable. Le PLF 2019 propose de rendre cette option révocable. Les intéressés pourront ainsi renoncer à l’option pour l’IS jusqu’au cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée.
Réforme du régime d’imposition des produits de cession ou concession de brevets. Afin de se conformer aux préconisations de l’ Organisation de coopération et de développement économique (« OCDE ») et à son approche dite « nexus », le PLF 2019 prévoit de conditionner l’application du régime de faveur d’imposition des profits d’une entreprise tirés de l’exploitation et de la cession d’un brevet (taux réduit d’IS de 15%, et taux réduit d’IR de 12,8% ) à la réalisation sur le territoire national des dépenses de recherche et de développement ou d’acquisition engagées par cette entreprise pour développer cet actif.
Le PLF 2019 prévoit d’étendre ce régime de faveur aux logiciels protégés par le droit d’auteur.
Ce régime de faveur ne s’applique pas aux marques et dessins et modèles.
Précisions apportées sur la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’IR.
– le PLF 2019 confirme l’entrée en vigueur du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 ;
– la mise en place du prélèvement à la source à partir du 1er janvier 2019 oblige l’administration fiscale à prendre des mesures de transition afin d’éviter que les contribuables ne payent des impôts cumulés sur deux années (2018 et 2019). Le PLF 2019 confirme ainsi la création du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) accordé aux contribuables à raison des revenus non exceptionnels (traitements, salaires, pensions, rentes viagères, BIC, BNC, BA, revenus fonciers) perçus en 2018 inclus dans le champ du prélèvement à la source. Ce crédit d’impôt rend ainsi l’année 2018 « blanche » fiscalement en ce qui concerne les revenus habituels perçus en 2018 ; et
– afin d’éviter que les bénéficiaires de crédit d’impôt et de réduction d’impôt n’aient à supporter le coût en trésorerie pouvant résulter du décalage entre la date du prélèvement et celle du versement, le PLF 2019 prévoit la mise en place dès le mois de janvier 2019 d’une avance en trésorerie de 60% des sommes versées au titre (i) de l’emploi d’un salarié à domicile, (ii) des frais de garde de jeunes enfants, (iii) des investissements locatifs (Censi Bouvard, Scellier, Duflot, Pinel), (iv) des dépenses d’hébergement en EHPAD, (v) des dons effectués par des particuliers, et (vi) des cotisations syndicales.
Modification du régime du pacte Dutreil-transmission.
La transmission de parts ou actions faisant l’objet d’un pacte Dutreil dans le cadre d’une donation ou d’une succession permet une exonération de 75% des droits de mutation à titre gratuit, sous réserve notamment que le bénéficiaire respecte un engagement de conservation de quatre ans. Dans l’hypothèse où cet engagement ne serait pas satisfait pour tout ou partie des titres ainsi obtenus, le régime actuel prévoit une remise en cause intégrale de l’exonération de 75% des droits de mutation à titre gratuit.
Le PLF 2019 prévoit les aménagements suivants :
– la remise en cause de l’exonération des droits de mutation ne concerne que les titres qui sont cédés en violation de l’engagement de conservation. La remise en cause de l’exonération n’est en conséquance plus intégrale ;
– l’apport à une société holding de titres en cours d’engagement collectif serait désormais facilité ;
– suppression de l’obligation déclarative annuelle de fourniture à l’administration d’une attestation permettant de contrôler le respect des engagements souscrits. Une telle attestation ne sera réclamée au redevable qu’en début et en fin de pacte et, le cas échéant, sur demande de l’administration seulement, en cours de pacte.
Réforme de l’ « exit tax ». Pour rappel, l’ « exit tax » est un mécanisme d’imposition des personnes physiques qui frappe les plus-values latentes sur les titres et valeurs mobilières des contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France. Le régime actuel prévoit un dégrèvement d’office de l’impôt sur les plus-values latentes ou d’une restitution s’il a été immédiatement acquitté lors du transfert, à l’expiration d’un délai de quinze ans suivant la date du départ, à la condition que le contribuable ait conservé les titres et valeurs mobilières en question.
Le PLF 2019 prévoit d’abaisser ce délai à deux ans.
Transposition de la directive 2017-1852 du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’UE. L’objet de cette directive est d’organiser le règlement des différends entre les administrations fiscales des États membres découlant de l’interprétation et de l’application des conventions fiscales. Est ainsi prévue l’instauration d’une procédure amiable, et, lorsque les discussions entre administrations fiscales s’avèrent infructueuses, la mise en place d’une commission consultative en vue de rendre un arbitrage entre les États membres concernés. Cette procédure mettrait fin, dans le cadre du différend en question, à toute autre procédure amiable ou de règlement des différends prévue par une convention ou un accord conclu par la France.
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