Le 27 août 2018, le Département d’État des États-Unis, agissant sur délégation du président des États-Unis en application du décret présidentiel n°12851[i] a adopté une résolution au titre de laquelle la Fédération de Russie (la « Russie« ) est reconnue comme ayant utilisé des armes chimiques à l’encontre de ses ressortissants en violation des règles internationales (notamment la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction du 13 janvier 1993) et des lois américaines, en particulier la section 306 (a) de la loi américaine « Chemical and Biological Weapons Control and Warfare Elimination Act of 1991 » (la « Loi« ).
Conformément à la Loi, ces nouvelles sanctions comprennent deux séries, (i) la première est effective depuis le 27 août et (ii) la deuxième interviendra, sauf modification substantielle du comportement de la Russie, dans un délai de 3 mois à compter la première série, soit au plus tard le 27 novembre 2018.
Première série – sanctions en vigueur au 27 août 2018
La première série de sanctions comporte 4 éléments :
Il faut également noter :
Ces exceptions appellent les remarques suivantes :
Deuxième série – sanctions à venir au plus tard le 27 novembre 2018
La section 307 (b) de la Loi prévoit que le président des États-Unis devra prendre, au plus tard 3 mois à compter de la résolution du 27 août, une nouvelle série d’au moins 3 sanctions parmi une liste de 6 sanctions sauf pour le cas où le Président détermine et certifie au Congrès par écrit que :
Les 6 sanctions parmi lesquelles 3 au moins devront s’appliquer en l’absence de satisfaction des éléments ci-dessus sont :
La première série de sanctions ne créé pas une situation complètement nouvelle dans la mesure où les plus importantes des entités russes du domaine de la défense et, en particulier Rosoboronexport (РОСОБОРОНЭКСПОРТ) depuis le 6 avril 2018[v], Rostec (РОСТЕХ) depuis le 12 septembre 2014[vi] Russian Helicopters (Вертолеты России) depuis le 22 décembre 2015[vii], Almaz-Antey («Алмаз-Антей») depuis le 12 septembre 2014[viii], United Shipbuilding Corporation (Объединенная судостроительная корпорация) depuis le 29 juillet 2014[ix], United Aircraft Corporation (Объединенная авиастроительная корпорация) depuis 6 avril 2018[x] et JSC Kalashnikov Concern (Концерн Калашникова) depuis le 16 juillet 2014[xi] figurent déjà dans la liste des personnes sanctionnées. À ce titre, la vente d’armes à destination de la Russie et l’achat d’armes auprès de la Russie sont d’ores et déjà des activités faisant l’objet d’une règlementation coercitive de la part des autorités américaines. De manière similaire, le financement à destination des personnes sanctionnées par le décret américain n°13662[xii] (secteurs de la défense, de l’énergie, financier, des mines et métaux) est d’ores et déjà largement rendu impossible et les sanctions mises en place le 27 août dernier ne font qu’étendre ces interdictions en incluant le gouvernement russe et la Russie en qualité d’état.
La nouveauté est plutôt à rechercher dans le caractère général de ces nouvelles sanctions dont certaines, contrairement aux précédentes[xiii] ne sont pas limitées à des personnes (morales ou physiques) nommément désignées, en particulier l’interdiction d’exportation de biens sensibles en matière de défense.
En revanche, la deuxième série de sanctions comporte des nouveautés significatives, notamment (i) les restrictions aux importations et exportations susceptibles de viser l’ensemble des exportations russes (produits manufacturés et matières premières) et l’ensemble des entités russes, publiques ou privées, quelle que soit leur taille ou leur implication dans les évènements légitimant des sanctions et (ii) la restriction au trafic aérien avec la Russie.
Au regard de la réaction des autorités russes, qui récusent les accusations d’utilisation d’armes chimiques, il est vraisemblable que la deuxième série de sanctions entre effectivement en vigueur prochainement.[xiv]
Étienne Épron
Associé gérant,
Sagasser SELAS
[i] Executive order n°12851 (Administration of Proliferation Sanctions, Middle East Arms Control, and Related Congressional Reporting Responsibilities) du 11 juin 1993
[ii] Arms Export Foreign Control Act adopté le 30 juin 1976
[iii] Foreign Assistance Act entré en vigueur le 4 septembre 1961
[iv] Nommément, les licences d’exceptions GOV (governments, international organizations, international inspections under the chemical weapons convention and the international space station), ENC (encryption commodities, software and technology), BAG (baggage), TMP (temporary imports, exports, reexports and transfers), TSU (technology and software unrestricted), APR (additionnal permissive reexport), CIV (civil end-users) et AVS (aircrafts vessels and spacecraft), dont les régimes sont établis par le Code des Règlements Fédéraux (Code of Federal Regulations, titre 15, sous-titre B, chpitre VII, sous-chapitre C paragraphe 740)
[v] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain, https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20180406.aspx
[vi] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20140912.aspx
[vii] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20151222.aspx
[viii] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20140912.aspx
[ix] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain https://www.treasury.gov/press-center/press-releases/Pages/jl2590.aspx
[x] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain https://home.treasury.gov/news/press-releases/sm0338
[xi] Communiqué de presse du site internet officiel du trésor américain https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20140716.aspx
[xii] Executive Order n°13662 (blocking property of additionnal persons contributing to the situation in Ukraine) du 24 mars 2014
[xiii] À l’exception notable des sanctions découlant de décret 13685 (executive order) et emportant interdiction d’investissement en Ukraine ainsi que toute importation depuis ou exportation vers la Région de Crimée
[xiv] Dmitry Polyanskiy, premier adjoint au représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU a déclaré sur twitter le 9 août 2017 : « Pas de preuve, pas d’indices, pas de logique, pas de présomption d’innocence mais uniquement des fortes probabilités. Seulement une règle : accuser la Russie de tout, peu importe à quel point cela peut être absurde ou faux. Accueillons chaleureusement les sanctions des États-Unis d’Amérique. »